Il y a 30 ans, la France était l’un des tous premiers pays au monde à s’engager avec humanisme pour l’avenir, en ratifiant la Convention internationale des droits de l’Enfant. Le Pays des Lumières affirmait ainsi que, pour toujours et en toute circonstance, « l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ».

Nous, les enfants d’alors, sommes désormais devenus adultes. Certains d’entre nous, sont devenus parents. De façon quotidienne, individuellement, nous faisons de l’intérêt supérieur de nos enfants notre priorité. Et pourtant, de façon quotidienne, nous nous heurtons à des institutions, à un modèle de société qui, malgré les promesses, malgré les ratifications, piétinent les droits de nos enfants.

La France s’est engagée, il y a 30 ans, à s’assurer que tout enfant puisse jouir d’un niveau de vie suffisant à son développement.
Comment expliquer, comment tolérer qu’aujourd’hui encore, un enfant sur cinq soit condamné à vivre sous le seuil de pauvreté. Trois millions d’enfants, parmi lesquels près de 30 000 enfants sans abri et 8000 enfants qui vivent en bidonville. Trois millions d’enfants, auxquels la 6e puissance économique mondiale se révèle incapable de fournir un toit, de la nourriture, du chauffage, des vêtements, des livres, des jouets. En réponse au légitime sentiment de révolte que ces chiffres provoquent, l’Etat Français fait le choix de supprimer l’Observatoire National de la Pauvreté, et se félicite que des associations à but non lucratif pallient ses carences.

La France s’est engagée, il y a 30 ans, à protéger l’enfant contre toutes formes de mauvais traitements.
Pourtant, aujourd’hui encore, un enfant meurt tous les cinq jours sous les coups de ses parents ou tuteurs légaux. Tous les ans, en France, près de 20 000 enfants sont victimes de maltraitances diverses. Le manque de moyens, le morcellement des tâches des professionnels de l’enfance, aboutissent à l’ignorance de ces cas dramatiques, et à l’impunité de ceux qui détruisent des vies plutôt que de les accompagner. Il ne s’agit plus de s’indigner de l’absence de réaction des témoins de ces agressions, ni de s’émouvoir de la lenteur des protocoles de signalements quand, en France, le droit de correction reste ancré dans les esprits et les pratiques, et quand l’Etat refuse encore, systématiquement, de reconnaître sa responsabilité institutionnelle dans la mort de ces enfants.

La France s’est engagée, il y a 30 ans, à permettre à chaque enfant de jouir du meilleur état de santé possible.
Or plus de 3 enfants sur 4 respirent un air pollué en France. Tous sont quotidiennement exposés à une grande variété de substances toxiques dans leur alimentation, leurs jouets, leurs vêtements, les produits d’hygiène et d’entretien. Toutes les études démontrent que ces expositions, aux différents stades de leur développement, ont un effet délétère majeur sur leur santé à long terme.
Et pourtant, l’Etat Français attaque les élus prenant des arrêtés de protection de la population contre les pesticides, et reporte sine die toutes les mesures de protection de l’environnement dans lequel nos enfants doivent pourtant grandir.

La France s’est engagée, il y a 30 ans, à accorder une aide appropriée aux parents pour élever l’enfant.
Mais aujourd’hui, les professionnels de la petite enfance, les soignants, les enseignants, les services sociaux, sont soumis à un manque considérable de moyens et de temps, à une quasi absence de soutien, à des situations de stress permanent, sous-tendus par une logique comptable exigeant la pleine occupation de structures soumises à la rentabilité économique.
Et ainsi, avec la disparition organisée de l’accompagnement familial, indispensable et obligatoire, s’ancrent les inégalités sociales chez des tout-petits qui n’ont pas encore trois ans. Notre pays, celui de Voltaire, admet et aggrave ainsi le fait que les cartes distribuées à la naissance ne soient pas les mêmes pour tous.

La France s’est engagée, il y a 30 ans, à garantir une protection spéciale aux enfants réfugiés, et à ce qu’aucun enfant ne soit soumis à des traitements cruels ou enfermé arbitrairement.
Pourtant, aujourd’hui, des dizaines de milliers de mineurs étrangers non-accompagnés ne bénéficient souvent d’aucune forme de protection, et vivent pour certains dans la rue ou dans des habitats précaires. Aujourd’hui encore, des centaines d’enfants et leurs familles, sont menacés d’expulsion et de renvoi vers un pays qu’ils avaient pourtant fui pour protéger les plus jeunes.
Que dire des conditions dramatiques dans lesquelles, aujourd’hui encore, sont enfermés les enfants dans les centres de rétention administrative, quel que soit leur âge, des nourrissons aux adolescents ? Infliger à des enfants l’enfer de l’arrestation, puis de l’enfermement est inhumain. Le traumatisme que l’Etat français leur inflige est proprement insupportable. Les condamnations de la France pour mauvais traitements par la Cour Européenne des Droits de l’Homme sont pleinement justifiées.
Alors que les politiques d’immigration se durcissent pour des raisons purement électoralistes, la Convention des droits de l’enfant nous rappelle qu’un enfant migrant est avant tout un enfant, et, qu’à ce titre, il est de notre devoir de le protéger et de l’accueillir sans le séparer de sa famille, avec le respect du à tout être humain.

La France s’est engagée, il y a 30 ans. Et face à l’évidence, nous nous interrogeons, aujourd’hui, sur ce qu’il en est réellement des droits de nos enfants.
Alors même qu’il semble indispensable de penser un modèle différent de société, pour que l’écologie et la solidarité soient les clés de voûte des projets que l’on construit, ignorer l’intérêt supérieur de l’enfant, reconnu et défendu depuis 30 ans par cette Convention, n’aurait aucun sens : quelle société prétendrions-nous inventer, qui n’incluent et n’impliquent pas celles et ceux qui naissent et grandissent aujourd’hui ?

A l’heure où l’Etat prône et organise la responsabilisation individuelle des parents, Place publique s’engage à agir pour que la société et les institutions sacralisent enfin l’intérêt supérieur et primordial de l’enfant.

C’est pourquoi nous proposerons une Charte, à destination de tous les acteurs politiques, afin qu’ils se positionnent et s’engagent à leur tour sur le respect des droits de l’Enfant dans la construction de leur projet.
Accès à l’éducation pour tous, politiques d’accompagnement familial, protection de la santé et contre toutes formes de pollutions environnementales, droit inconditionnel à l’hébergement de tous les enfants, lutte contre la pauvreté, prévention et lutte contre les maltraitances, droit inconditionnel de sauver et de protéger tous les enfants… Cette charte aura pour finalité de proposer des solutions concrètes et radicales en faveur de la prise en compte globale du bien-être des enfants, conformément aux objectifs énoncés dans la Convention internationale des droits de l’enfant.

Parce que la France s’y est engagée il y a 30 ans.

Pour le Groupe de Travail Place publique sur l’Enfance :
Marion BOIDOT, porte parole de Place Publique
Dorothée BRETTE, référente Place publique Val d’Oise
Philippe GILLANT, référent Place publique Nièvre
Eva LINARES-CRUZ, référente Place publique Hauts-de-Seine
Sarah PIGEAUD, référente Place publique Deux Sèvres
Elie ROSIERE, référent Place publique Marne

20 novembre 2019 | Place Publique