Après le Projet de Loi de Finances (PLF), le gouvernement annonçait jeudi 20 octobre après une seule journée de débat un nouveau recours à l’article 49.3 de la Constitution pour le Projet de Loi de Finance de la Sécurité Sociale (PLFSS), 2ème volet du vote du budget annuel de l’Etat.
Incapable d’assurer une cohérence et des espaces de débats dans sa propre majorité, ayant peur des initiatives de ses propres députés, le Président de la République et la Première Ministre font le choix du chantage pour la régulation de notre système de santé, pourtant une des principales préoccupations des français. A l’opposé de la science qui procède par la confrontation et la remise en cause des hypothèses, le gouvernement fait le choix du dogmatisme et de l’accentuation de la défiance des français envers les institutions.
Un PLFSS technocratique élaboré sans consultation des acteurs
Le PLFSS 2023 cache bien des surprises à ceux qui n’ont pas l’oeil aguerri : une hausse de l’objectif national de dépense de l’assurance maladie (ONDAM) à seulement +3,7% dans une inflation à près de 6%, une réforme des études de médecine en l’absence de discussion avec les partenaires concernés, la mise en place de consultations dites “de prévention” à âges fixes dont la pertinence en termes de santé publique reste à évaluer, au détriment des dispositifs de prévention primaires ayant démontré toutes leurs efficacités.
Finalement, le PLFSS 2023 tel que voulu par le gouvernement constitue un ensemble de mesures cosmétiques prises à la hâte. Une vraie politique de santé publique nécessite de prendre le temps de la réflexion car toute décision ne pourra voir ses effets évalués qu’après plusieurs années.
Un cadeau fait à la droite conservatrice
Pour que la confiance au Gouvernement puisse être exprimée face aux motions de censures déposées par les oppositions,celui-ci, en majorité relative à l’Assemblée Nationale, va devoir faire appel aux voix de la droite conservatrice et donc, en contrepartie, lui passer des amendements. On pense notamment à celui des députées Les Républicains (LR) visant à encadrer la pratique de la téléconsultation qui devra “être [réalisée] par le biais d’une maison de santé pluridisciplinaire, d’une officine ou d’une collectivité”, marquant une réelle méconnaissance de la réalité des français dans les déserts médicaux, qui s’ils n’ont pas de médecin traitant, n’ont a fortiori pas accès à ces lieux ou la possibilité de s’y déplacer facilement.
D’une manière générale, au lieu de s’attaquer aux déserts médicaux et de permettre à l’ensemble des français de disposer d’un libre accès aux soins, la droite conservatrice fait le choix de préserver les intérêts des établissements privés à but lucratif qui profitent des difficultés de l’hôpital public. Plutôt de que d’agir dans l’intérêt de l’ensemble des francais, c’est l’action de défense des intérêts de quelques-uns.
Un réel manque d’ambition pour le système de santé
Ce PLFSS 2023 manque surtout d’une réelle vision pour une modification structurelle du système de santé, qui nécessiterait de vrais débats et un plan pluriannuel de réformes. Parmi l’ensemble des réformes nécessaires, nous souhaitons vous partager cinq de nos priorités :
— Créer une offre publique de soins ambulatoires dans les territoires, aux plus proches des patients les plus défavorisés et sortir des logiques de privatisation progressive de la santé.
— Réindustrialiser le parcours du médicament sur le territoire national pour que la santé des français ne dépende plus des importations et éviter de nouvelles pénuries sur des médicaments essentiels.
— Diversifier le mode de financement de l’hôpital et revenir sur les réformes en cours visant à instaurer la T2A dans les Soins de Suites et de Réadaptation.
— Assurer l’accès à l’ensemble des spécialités médicales et leurs actes à l’hôpital public pour lutter contre la fuite de compétences vers les établissements privés à but lucratif et la création d’une médecine à deux vitesses.
—Lutter contre les logiques lucratives des établissements du secteur médico-social (crèche, EHPAD…) pour garantir l’accès à des conditions de vies décentes pour l’ensemble des français à chaque étape de leur vie.
Conscient du caractère fondamental que constitue l’accès à un système de protection sociale qui garantisse à chacun la possibilité de jouir du meilleur état de santé possible, Place Publique s’engage à œuvrer pour défendre et faire respecter ce droit, que ce soit sur le territoire français, ou à l’échelle de l’Union Européenne.
23 octobre 2022 | Place Publique