Août 2020, explosion et tragédie au port de Beyrouth. Août 2021, prise de Kaboul par les Talibans et désastre humanitaire. Liban, Afghanistan: destins entremêlés, aussi trahis par la France.  

“Libanaises, Libanais, je vous ai compris”. Le 6 août 2020, deux jours après l’explosion du port de Beyrouth ayant ôté la vie de 215 personnes et causé plus de 6 500 blessés, Emmanuel Macron est au Liban. Il y assure à la population qu’il “proposera un nouveau pacte politique” accompagné d’une aide de quelques millions d’euros :

Un an et demi plus tard, aucun pacte n’a permis de renouveler la classe politique, aucune sanction n’a été instaurée contre les dirigeants libanais, et le pays poursuit son douloureux enlisement dans une crise multiforme.

Un an et demi après, la situation a empiré. L’idéologie néo-libérale de Mr. Macron prévaut sur ses discours de fraternité envers le peuple libanais. Les accords de libre-échange qui ont alimenté la rente de l’Etat libanais et de ses classes dirigeantes sont privilégiés. Pour les sanctions tant nécessaires, on attend toujours. 

Le 16 août 2021, un jour après la prise de Kaboul par les talibans, le président français annonce l’accueil des tous les Afghans ayant travaillé pour la France de 2001 à 2014 souhaitant quitter le pays, et menacés par le nouveau pouvoir en Afghanistan.

Un mensonge.

Il avait également assuré que tous les afghans particulièrement menacés, journalistes, activistes, femmes, artistes et intellectuels seraient évacués.

Un autre mensonge, terrible, créant un espoir pour des milliers d’Afghans aujourd’hui encore sans réponse.

Les témoins de cette honte française existent. Khatira, 15 ans, parfaitement francophone mais jugée “pas assez occidentalisée” lors de sa demande d’asile en est une. Mais aussi Amanollah, journaliste hazara se cachant chez des amis; Maryam 23 ans, étudiante en Master; et tant d’autres.

Si le bain de foule d’Emmanuel Macron au Liban témoigne d’une réelle philanthropie, pourquoi alors refuser d’accueillir un an plus tard les Afghans en détresse après la prise de Kaboul par les talibans ? 

Par opportunisme. En politique étrangère comme sur d’autres sujets, Emmanuel Macron a une vision utilitariste des événements. Les tragédies citées sont vues comme des occasions pour faire passer un message, pour exalter la puissance française et mettre en avant le président. Vendre aux français un mythe, une image faite de mots grandiloquents et d’actions inexistantes.

Un mirage au but unique : asseoir la popularité du président en France. Pour les personnes vivant ces situations, sa considération s’arrête là où ses intérêts personnels ne sont plus en jeu. Aucun humanisme, mais beaucoup de cynisme. 

Menacer sans agir ne changera pas l’état des choses au Liban. En Afghanistan, promettre sans accueillir détruira la vie de milliers d’autres Afghanes et Afghans. Dans une politique teintée d’un héritage orientaliste, d’une vision hautaine de sociétés essentialisées en composantes ethniques et religieuses, la France d’Emmanuel Macron se pose en sauveuse des sociétés de la région. Face à celle-ci, une nouvelle approche est nécessaire.

Une approche où on ne promet pas, mais agit. Une politique qui ne réduit pas les relations stratégiques avec les pays de la région à la vente d’armes ou aux contrats privés. Une politique humaniste, qui place l’humain d’abord et qui préfère l’héritage des droits de l’homme à celui de réflexes post-coloniaux. 

La France a le pouvoir de faire bouger les choses au Liban, et celui d’accueillir dignement tous les Afghans risquant leur vie dans leur propre pays. Surtout, la France peut enfin proposer une politique étrangère humaniste. Il ne manque que la volonté politique. 

12 mars 2022 | Place publique Jeunes