Les récentes annonces faites par le président de la République à la fin du Beauvau de la sécurité, comme celles du Garde des Sceaux d’augmenter le budget de la justice, nous interpellent.

Oui, l’actualité tourne en boucle depuis de nombreux mois. Et l’on a redécouvert avec consternation que sauvagement, des enfants sont violentés et tués dans nos cités, que des commissariats de police ou des élus sont pris pour cible, que des policiers peuvent être froidement assassinés ; et aussi que certains agents de police en viennent parfois à insulter des jeunes lors d’interpellations et même que des hauts-gradés sont promus en dépit de condamnation pour violences conjugales.

Il n’est plus possible de voir, en réponse, revenir en permanence les mêmes discours, et si peu d’actes. D’alternance en alternance politique, les mêmes lieux communs, les mêmes fausses solutions sur la police et la justice.

Rétablir la République !

Nous devons rétablir la République. La rétablir, c’est faire de la police et de la justice de vrais services publics forts et valorisés, au service de chacune et chacun, partout sur nos territoires.

A l’heure où nous réinterrogeons le financement de nos services publics, n’oublions pas notre police et notre justice, sous-dotées, sous-équipées et sous-administrées depuis des décennies. La police et la justice ne concernent pas que les délinquants et les victimes. Parce qu’elles sont complémentaires et indissociables, elles créent les conditions qui permettent de «faire société». Chacun contribue par l’impôt à leur financement.

Remettre l’humain au cœur de la police et de la justice

Il est certes aujourd’hui essentiel de réorienter les budgets existants, de les augmenter et de redéfinir les objectifs et priorités mais mieux financer la police et la justice ne se limite évidemment pas à leur donner plus de moyens matériels et humains.. Remettre l’humain au cœur de ces services est un impératif. Car pauvres elles-mêmes, la police et la justice maltraitent leurs agents et les citoyens. Dans notre société ultra libérale, le profit est érigé en valeur dominante au détriment de la solidarité, de la fraternité et de l’égalité.

Faute de moyens, faute de formation, faute d’accompagnement, comme en réponse à des préjugés dont elles sont elles-mêmes victimes, la police et la justice pratiquent une gestion «descendante» de l’autorité qui laisse peu de place à l’échange pourtant nécessaire pour se comprendre et progresser ensemble. Toute règle, pour être comprise et acceptée, doit être juste et expliquée. Les jeunes recrues de la police se trouvent souvent démunies car peu ou insuffisamment formées, insuffisamment encadrées et bien souvent étrangères aux territoires qu’elles viennent sécuriser. Nous pensons également à la prise en charge de la délinquance des mineurs qui ne se donne plus les moyens de ses ambitions.

Nous n’oublions pas non plus les agents de la pénitentiaire, invisibilisés, dont la condition est trop souvent oubliée des débats sur la prison et qui sont pourtant les garants du lien social en prison, indispensable à préserver pour une réinsertion réussie. L’amélioration de la chaîne pénale est un objectif primordial qui passe par une coordination étroite entre la police et la justice. S’il est nécessaire de pouvoir proposer des alternatives à la prison, nous prônons un réel accompagnement social personnalisé pour préparer à la sortie et prévenir les récidives.

Une police plus transparente, une justice plus inclusive, et vice versa

Comme tout service public, la police et la justice doivent aussi être redevables devant les citoyens. La police doit être plus transparente. La justice plus inclusive. C’est à cette double condition que nos institutions et ceux qui les servent, souffrant aujourd’hui d’un manque de reconnaissance, retrouveront la confiance de notre population nécessaire à leur travail. Une plus grande transparence des inspections de la police et de la gendarmerie ainsi qu’un meilleur accueil des justiciables dans les commissariats sont autant de réformes qu’il est essentiel de mener de front. Parallèlement, il convient aussi de réformer en profondeur la justice. Ce n’est pas d’une justice dématérialisée dont nous avons le plus besoin, mais, au contraire, de plus de femmes et d’hommes dans nos tribunaux au service des justiciables les plus éloignés de l’institution. Il convient également de créer des comités d’usagers de la justice et les faire participer à l’administration des tribunaux. Il nous faut, en somme, démocratiser la justice.

Sécurité, prévention et cohésion sociale

Certes nationaux, les sujets de la police et de la justice sont enfin des problématiques éminemment locales et liées aux enjeux sociétaux. Nous partageons l’idée qu’une politique de sécurité et de prévention harmonieuse doit s’appuyer sur trois piliers : sécurité, prévention et cohésion sociale. La sécurité dans nos territoires, c’est aussi l’emploi, le logement, l’éducation, la santé, le respect de l’autre, la découverte de l’altérité. Conforter les élus locaux dans leur pouvoir de police administrative et les aider au développement de dispositifs d’accès aux droits généralistes et gratuits au bénéfice des populations les plus précaires, deviennent des enjeux de société primordiaux. Promouvoir les conseils de quartier, créer des assemblées citoyennes consultatives ou délibératives (organisées selon des modalités démocratiques modernisées), placer la sécurité du quotidien au centre du débat local deviennent des impératifs. De même la place des associations, des clubs sportifs, de la culture, permettent de canaliser les énergies et d’instaurer un rapport apaisé à soi et aux autres. Nous devons donc apporter un soutien massif à tous ces maillons essentiels, délaissés et fragilisés ces dernières décennies.

Annoncer une présence accrue de policiers et de gendarmes sur le terrain « parce que c’est rassurant pour eux et dissuasif pour les délinquants », comme l’a dit le chef de l’Etat, c’est ne pas comprendre que la sécurité ne peut être garantie que dans une société qui lutte réellement contre la pauvreté et les inégalités sociales. 


Signataires :


Jo Spiegel et Emilie Agnoux, co-président·es de Place publique
Pascaline Lécorché, Secrétaire Générale de Place publique
Lomig Bigot-Campion, étudiant en droit
Jérôme Giusti, avocat
Béatrice Lebossé, secrétaire médicale
Frédéric Meynard, ingénieur-urbaniste
Fabrice Molard, fonctionnaire
Marie-Jeanne Steff, professeur des écoles
Elie Rosière, chargé de communication 

30 septembre 2021 | Place Publique