Alors que certain.es voient la fin de la crise sanitaire comme le retour à la vie normale, certaines situations de “crise” persistent. Le cri de détresse de Maëlle en novembre 2022, étudiante qui ne vit qu’avec 100€ par mois, vu plus de 7 millions de fois sur TikTok, a rappelé que la précarité étudiante n’était pas un phénomène circonstanciel. La précarité étudiante n’a pas commencé avec la pandémie et ne s’est pas arrêtée avec elle. 

La précarité des étudiant.es, c’est l’incapacité – à boucler ses fins de mois, à être dans la sûreté. La précarité étudiante, c’est l’instabilité. C’est la mise en péril de ses études. La précarité étudiante, c’est la fossoyeuse de la réussite. 

Les difficultés matérielles, économiques, rendent impossible des conditions de vie saines pour les étudiant.es et compromettent gravement la santé physique et mentale de ces dernier.es. 

Aujourd’hui, deux étudiant.es sur trois sont en situation d’extrême pauvreté, selon l’association Linkee. Lors de la pandémie, 60% des jeunes présentaient des “signes de détresse psychologique”, selon Ouest France. La précarité étudiante n’est pas un phénomène minoritaire : elle est persistante, économique et impacte la santé des étudiant.es. 

La précarité économique ou matérielle des étudiant.es concerne une large majorité des étudiant.es dans l’enseignement supérieur. 

En effet, 20% des étudiant.es travaillent en parallèle de leurs études, et 70% des étudiant.es travaillent occasionnellement (pendant l’été, les week-ends, etc.). Parmi ces 20% et ces 70%, tous.tes n’ont pas besoin d’un revenu supplémentaire pour vivre au quotidien et financer leurs frais de scolarité. Mais étant donné que deux tiers des étudiant.es sont précarisé.es, comment ne pas penser que la quasi-totalité des étudiant.es travailleur.euses dépendent de ces revenus ? Comment ne pas penser que leur travail représente une nécessité ?

De plus, iels sont d’autant plus précarisé.es qu’iels sont les plus touché.es par la hausse du chômage. Suite au confinement, le taux de chômage a augmenté de 34% chez les 18-25 ans quand les +25 ans subissent une hausse de 23%. Puisqu’iels sont plus jeunes, qu’iels ont moins d’expérience, qu’iels n’ont pas d’ancienneté, les étudiant.es constituent la variable d’ajustement des entreprises et sont donc les premier.es à perdre leur emploi, supprimé  en priorité en temps de crise.

Ces étudiant.es travailleur.euses le sont souvent alors même qu’iels sont boursiers, ou, alors justement, car iels ne le sont pas. Explications. 

Les critères sociaux pour obtenir une bourse d’étude s’adaptent, en France, en fonction des revenus du foyer, c’est-à-dire en fonction des revenus des parents. En fonction de ses revenus donc, un échelon de bourse est attribué, de 0 à 7. Seulement, une augmentation légère des revenus des parents peut conduire à perte d’un échelon de bourse. Cet effet de seuil est celui qu’a subi Maëlle, comme des milliers d’étudiant.es, et conduit inévitablement à une perte de revenu conséquente ; les étudiant.es sont précarisé.es.

En outre, la crise énergétique et l’inflation actuelle exacerbent la précarité étudiante, mise au jour par la pandémie mais invisibilisée depuis par les autres actualités. 

Face à la crise énergétique, une des premières réactions du gouvernement fut d’envisager la fermeture des universités, estimées trop énergivores. Aussi, l’état de certaines universités, où l’isolement et la chaleur n’existent pas, est encore symptomatique du mépris du gouvernement pour les étudiant.es. Encore une fois, les étudiant.es sont précarisé.es. 

D’autre part, l’inflation liée à la guerre en Ukraine touche tous les individus. Les bourses n’étant pas revalorisées, cela creuse encore une fois le budget des étudiant.es. Le coût de la vie étudiante a augmenté de 6,47% depuis l’année dernière, à la fois par les loyers et par le prix de l’alimentation. Et les étudiant.es sont précarisé.es. 

Mais la précarité étudiante ne s’arrête pas à l’unique aspect économique. Bien souvent, elle ne peut être distinguée de ses effets dévastateurs sur la santé des étudiant.es. Psychologiquement, de l’anxiété jusqu’aux idées suicidaires dues à cette situation instable et à l’isolement qu’elle entraîne, l’évolution de la santé mentale des étudiant.es est inquiétante. La tentative de suicide d’un étudiant lyonnais le 9 janvier 2021, alors que deux ans plus tôt un autre étudiant lyonnais s’immolait par le feu devant son unversité pour attirer l’attention sur l’immense précarité des milliers d’étudiant.es, illustre le slogan des syndicats étudiants mobilisés “La précarité tue”. Les responsables politiques attendent-iels la prochaine catastrophe pour finalement agir ?

Les impacts sur la santé sont aussi physiques, les étudiant.es ne se rendant pas chez le médecin par incapacité d’avancer la somme ou par manque de temps monopolisé par le travail à côté des études. 

De fait, lorsque l’on note “précarité menstruelle” sur un moteur de recherches, l’adjectif “étudiante” apparaît en première position. Cette difficulté ou manque d’accès aux protections hygiéniques par manque de moyens, constitue en effet un enjeu qui touche en premier les populations les plus fragiles économiquement. Si l’association Règles élémentaires estime qu’un 1,7 million de personnes sont victimes de précarité menstruelle, un tiers des étudiantes est frappé par cette précarité spécifique. Et les réponses du gouvernement restent limitées, le prétendu “accès gratuit” aux protections périodiques pour les étudiant.es” prend la forme de distributeurs en libre accès ou distribution sur le campus universitaires, un accès donc restreint qui ne permet de combler la nécessité d’une quantité adaptée de produits périodiques adaptée au cycle de chacun.e. Contrairement à la promesse de rendre les préservatifs disponibles gratuitement en pharmacie d’ici janvier 2023, les revendications des associations luttant contre la précarité menstruelle ne sont pas entendues et l’État refuse de rendre gratuites les protections périodiques.

Ces précarités étudiantes touchent aussi, et particulièrement les étudiant.es étranger.es. Ces dernier.es n’ont que peu de voie de secours si ce n’est leur entourage. L’État ne propose en effet que des bourses très limitées (bourses d’excellence, accessibles seulement après deux ans de résidence en France, etc.), souffrant des mêmes biais, voire pires, que celles réservées aux étudiant.es français. Iels ont été les premier.es victimes de l’isolement et du confinement, perdant leur emploi d’appoint durant la pandémie. Seule la solidarité leur a permis de survivre au raz-de-marée de difficultés. Mais le gouvernement ne peut compter éternellement sur la solidarité au sein des communautés. Aujourd’hui encore, iels doivent être pris en considération par les politiques publiques. Sinon, c’est abandonner la question sociale. 

Quelles réponses justement sont apportées par le gouvernement ? La création d’une plateforme visant à aider les jeunes à (re)trouver un emploi ou un stage, une aide de 200€ ponctuelle réservées aux étudiant.es ayant perdu leur emploi ou leur stage dû à la crise sanitaire : solutions temporaires, tournées exclusivement vers la recherche d’emplois, le problème semble bien ne pas être pris à la racine. Est-il vraiment raisonnable de pousser à tout prix les étudiant.es à rechercher un emploi quand leur principale motivation est de survivre et non de se préparer à l’entrée dans le monde professionnel ? Cette volonté de responsabiliser les jeunes aussi tôt traduit un rejet d’une politique d’aides et de soutien financier, reposant sur la peur de l’assistanat. Mais quel.le jeune vit volontairement exclusivement d’une bourse de 100€, ou d’une aide ponctuelle de 200€ ? Nous avons vu plus tôt qu’une grande partie des étudiant.es travaillent, et sont pourtant les premier.es touché.es par cette précarité. Quelles réponses voulons-nous apporter ? Le projet d’une société solidaire ou celui d’une société individualiste ? 

Nous souhaitons que le droit à l’éducation – droit humain fondamental selon la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 – et l’accès équitable à des études sereines soient assurés par les politiques publiques, considérant l’aspect primordial de l’éducation dans notre société, pourtant bien trop souvent oublié dans les débats politiques. Nous souhaitons redonner une voix à cell.eux qui ne se sentent plus concerné.es par la politique et qui représentent pourtant les dirigeants de demain.


À Place publique jeunes, nous réclamons : 

  • L’indexation de la bourse sur l’inflation et la mise en place de chèques alimentaires étudiants pour une alimentation saine des étudiant.es, pour que leurs repas ne se résume pas à “pâtes-riz-pain” ;

  • Le développement de nouveaux seuils de bourses, allant de 0 à 21, pour une meilleure adaptation des revenus en fonction de leurs besoins, et mettre fin aux effets de seuils ;

  • Un Observatoire national sur les conditions de la vie étudiante rendant compte des besoins matériels des étudiant.es, et non seulement de données sociodémographiques, et dont l’intégralité du contenu soit rendu public ;

  • Abaisser l’accès au RSA à l’âge minimal légal de travail, soit 16 ans, pour qu’aucun.es étudiant.es ne soient marginalisé.es, et pour une jeunesse autonome.

  • Dédier une part plus importante du budget public au Crous pour assurer plus de places dans des logements universitaires à prix abordables ;

  • Le retour du Crous à 1€ pour tous.tes (ou la mise en place de différents tarifs préférentiels, de 1 à 3,30 €, que l’on pourrait penser au nombre de 5) ;

  • Enfin et surtout : un revenu étudiant, donnant à chaque jeune une base de revenu totalement défamilialisée – sans considération du revenu de leur parent – augmentée ensuite en fonction des bourses.

Nous sommes conscient.es que des solutions sur le court terme sont tout autant nécessaires que des solutions sur le long terme, et que le problème ne se règlera pas par une seule mesure clé, mais ces propositions visent à améliorer la situation des milliers d’étudiant.es en difficulté, laissé.es à l’abandon par les responsables politiques qui ne leur accordent aucune attention. Aussi, assurons leur un monde plus juste, humaniste, et équitable. 

Sources : 

12 janvier 2023 | Place publique Jeunes