En janvier et février 2011, il y a 12 ans, la révolution yéménite créait un élan d’espoir dans le pays. A l’instar des autres « printemps arabes », la jeunesse se levait pour réclamer la liberté. Fortement réprimée, la révolution a laissé place à une guerre civile qui éclata trois ans plus tard, opposant les rebelles Houthis au gouvernement de Mr.Hadi. L’entrée en guerre en 2015 d’une coalition menée par l’Arabie Saoudite – pour notamment lutter contre le soutien Iranien aux Houthies – a internationalisé et exacerbé le conflit, et la liste des civils bombardés s’est allongée : près de 80% de la population a des besoins humanitaires urgents, et plus d’une dizaine de milliers de personnes sont mortes depuis le début de la guerre.

La France est depuis 2020 le premier fournisseur de l’Arabie Saoudite en matière d’armements et lui en vend l’équivalent d’1 milliard 400 millions d’euros. Si le gouvernement prétend que ces ventes concernent du matériel militaire en vue d’un objectif défensif et non offensif, des armes françaises ont été retrouvées au Yémen et leur utilisation par la coalition saoudienne dans la guerre ne fait aucuns doutes. Que soit les canons Caesar, les avions chasseurs Mirage 2000-9, les blindés Leclerc, les radars Cobra… Ceux-ci sont utilisés dans le conflit yéménite. 

Alors que le devoir de vigilance incombe aux entreprises françaises d’être responsables et de prévenir les violations des droits humains que peuvent entrainer leurs opérations, la Cour Pénale Internationale a enregistré une plainte visant la participation indirecte et la complicité de Dassault, Thales et MBDA aux crimes de guerre perpétrés au Yémen par la coalition saoudienne. 

De nombreuses associations et commissions parlementaires ont alerté sur la gravité de la situation, et proposé des solutions. Pourtant, la politique étrangère française, sur laquelle sont alignées ces entreprises, fait prévaloir des intérêts économiques et la coopération avec certains états plutôt que le respect des droits humains et la lutte contre des crimes de guerres. Que font aujourd’hui Catherine Colonna, la ministre des Affaires étrangères de notre pays, le gouvernement Elisabeth Borne et le président Macron pour s’engager « davantage dans la résolution du conflit au Yémen », comme ce dernier l’avait prétendu ? 

Place Publique demande à l’État français de prendre ses responsabilités, et de faire appliquer la loi sur le devoir de vigilance. Nous exigeons :

  • Davantage de transparence et de contrôle du Parlement sur les ventes d’armes d’entreprises françaises, et notamment la création d’une commission parlementaire pouvant annuler les décisions de la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre.
  • L’arrêt total et immédiat de l’exportation d’armes de guerre françaises vers l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis, et un moratoire sur celles vers des États n’ayant pas ratifié ou signé le Traité sur le commerce des armes de l’ONU.

Nous appelons également les tribunaux français à s’emparer des plaintes déposées contre les trois entreprises françaises Dassault, Thales et MBDA, qui font fi du respects des droits humains et des engagements français en la matière, notamment la position commune 2008/944/PESC du Conseil du 8 décembre 2008 et le Traité sur le commerces des armes (TCA). 

L’enjeu n’est pas uniquement moral, il est aussi judiciaire. L’intérêt de la France doit toujours être de faire primer les droits humains et nos engagements internationaux sur des enjeux économiques.

18 février 2023 | Place Publique