Paris, le 6 décembre 2023.
L’Alliance progressiste des socialistes et démocrates du Parlement européen (S&D) dévoile aujourd’hui un nouveau rapport commandé par Raphaël Glucksmann (Place publique) au nom du groupe. Ce rapport, réalisé par l’université de Sheffield Hallam au Royaume-Uni, rappelle que le travail forcé demeure une réalité en Chine, près de quatre ans après les révélations du rapport ASPI, et que des marques européennes restent impliquées. Place publique appelle les Etats Membres à se mobiliser autour de la proposition de règlement de la Commission européenne sur le travail forcé visant à bloquer l’importation des produits issus du travail forcé aux frontières de l’Union européenne.

Ce rapport qui présente la manière dont le travail forcé dans la région ouïghoure affecte les chaînes d’approvisionnement en habillement de l’Union européenne est un projet collaboratif entre l’Uyghur Rights Monitor, l’Université Sheffield Hallam et le Uyghur Center for Democracy and Human Rights.

Aujourd’hui, la région ouïghoure produit environ 23 % du coton mondial et 10 % du PVC mondial : un matériau clé dans la production de vêtements de protection et d’accessoires. La principale conclusion du rapport est qu’une quantité considérable de vêtements produits par le travail forcé des Ouïghours pénètre dans l’UE sans restriction. 39 marques bien connues sont identifiées comme étant à haut risque d’approvisionnement en vêtements fabriqués par des Ouïghours,déplacés de force par l’Etat pour travailler loin de leur foyer. Le rapport met également en avant des preuves que les entreprises de la région prennent des mesures pour dissimuler leur participation aux transferts des individus imposés par l’État. Elles déploient toute une gamme de tactiques pour masquer leurs opérations dans la région, notamment en ne mentionnant plus leur participation aux transferts, en changeant de nom d’entreprise et en réorganisant leurs avoirs.

Les fabricants d’articles d’habillement notamment profilés dans le rapport sont :

  1. Zhejiang Sunrise, une entreprise basée dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang (XUAR) : elle détient l’entreprise et la marque « Smart Shirts », un important fournisseur de sociétés internationales de vêtements pour hommes, dont Hugo Boss en Allemagne, Ralph Lauren en Europe et Burberry en Italie.

  2. Beijing Guanghua, un fabricant de textiles d’État basé dans la région ouïghoure : les produits fabriqués par Guanghua et Beijing Fashion Holdings sont vendus à de nombreuses grandes marques de fast fashion dans l’UE ou vendant à l’UE, telles que Zara, Next et Levi’s.

  3. Anhui Huamao, l’un des plus grands fabricants de textiles et d’articles d’habillement de la République populaire de Chine (RPC) : les produits d’Anhui Huamao sont exportés vers des marchés haut de gamme, tant au niveau national qu’à l’étranger, incluant des clients tels que ALBINI, Burberry, Prada et Max Mara.

Avec ce rapport, le groupe S&D entend faire pression sur les États membres afin qu’ils accélèrent leur travail sur la proposition de règlement de la Commission européenne sur le travail forcé.

Il s’agit d’un engagement de longue date de Raphaël Glucksmann, coprésident avec Aurore Lalucq de Place publique au sein de la coalition S&D au Parlement européen, qui dès septembre 2019, alertait sur le sort de la minorité Ouïghour en Chine en lançant une campagne de mobilisation sur les réseaux sociaux. Grâce à une mobilisation massive, des engagements sont ensuite pris par H&M, Lacoste, Adidas, Tommy Hilfiger ou encore Calvin Klein. En 2021, la Commission européenne annonce qu’elle travaille sur un règlement interdisant les produits du travail forcé. En 2022, Raphaël Glucksmann est désigné comme responsable du texte pour le groupe des Socialistes et démocrates, en octobre 2023 le texte est voté par le Parlement. Le nombre d’entreprises identifiées dans le rapport indique que la politique de l’UE ne protège pas ses consommateurs contre l’achat de produits fabriqués avec du travail forcé ouïghour. Alors que l’UE s’apprête à décider de la réglementation sur le travail forcé et de la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité, dite « CSDD », ce rapport détaille également comment des législations telles que la loi américaine sur la prévention du travail forcé des Ouïghours peuvent protéger les entreprises et les consommateurs contre la complicité dans les violations des droits de l’homme contre le peuple ouïghour.

On estime qu’en 2021, 28 millions de personnes dans le monde étaient victimes de travail forcé. 4 millions d’entre elles étaient victimes de travail forcé imposé par des États.(1)

En Chine, on estime que 2 millions de personnes sont à risque de travail forcé, principalement des Ouïghours de la région du Xinjiang. Ces personnes peuvent être déplacées sous la contrainte, pour travailler loin de leur foyer. En mars 2020, la parution du rapport de l’ASPI, « Uyghurs for sale »(2) indiquait qu’entre qu’entre 2017 et 2020, plus d’un million de Ouïghours et autres membres de minorités musulmanes chinoises ont été envoyés dans des « camps de rééducation » par le parti communiste chinois. Ce programme de « rééducation » se poursuit avec des transferts forcés de travailleurs. Le rapport révèle qu’entre 2017 et 2019, 82 marques de renommée mondiale, parmi lesquelles Nike, Uniqlo, Zara, Lacoste ou Mercedes-Benz ont profité du travail forcé d’au moins 80 000 Ouïghours forcés de quitter le Xinjiang pour travailler dans des usines appartenant à la chaîne d’approvisionnement des entreprises citées. En septembre 2022, la haute commissaire aux droits de l’homme de l’ONU indiquait que ces détentions arbitraires peuvent constituer des crimes contre l’humanité.

(1) https://www.ilo.org/global/topics/forced-labour/lang–en/index.htm
(2) https://www.aspi.org.au/report/uyghurs-sale

6 décembre 2023 | Place Publique