Le courage et la dignité de Gisèle Pelicot et de ses enfants ont suscité l’admiration et le soutien de femmes et d’hommes à travers le monde. Comme le procès de Bobigny qui a conduit à la légalisation de l’avortement, cette affaire pourrait initier un changement profond dans la manière dont la société perçoit les violences sexuelles : un renversement de la honte qui doit cesser de peser sur les victimes.
Un miroir des archaïsmes sociaux
L’affaire Pelicot expose plus qu’un crime odieux, dans ce procès le violeur c’est Mr Tout le monde, nous n’assistons plus à un fait divers mais à un fait social. Il met en lumière les rouages d’une société encore marquée par le patriarcat et le silence assourdissant entourant les violences sexuelles : une véritable culture du viol.
Dans le système actuel, la victime est systématiquement suspectée, et la culpabilité se déplace insidieusement vers celle qui subit, tandis que l’agresseur trouve refuge dans les failles d’un système insuffisant.
Les retards d’enquête, les interrogatoires biaisées et les présupposés sexistes ternissent la recherche de la vérité. Les victimes, au lieu de recevoir justice, affrontent suspicions, insinuations et attaques directes, comme si demander justice était une faveur.
Un malaise collectif
L’affaire Pelicot met en évidence un paradoxe sociétal. Pourquoi une société qui revendique l’égalité entre les sexes continue-t-elle à minimiser ou excuser les violences sexuelles ? Les statistiques parlent d’elles-mêmes : En France une femme se fait sexuellement agresser toutes les 2mn30, moins d’une victime sur dix porte plainte, 1% seulement des agresseurs sont condamnés.
La persistance de la domination patriarcale, la banalisation des discours sexistes et l’absence d’une éducation sexuelle adaptée perpétuent un ordre social où la parole des victimes reste fragile et menacée et révèle une méconnaissance de l’acte criminel qu’est le viol.
“Son mari m’a dit que j’avais le droit” “ça n’a duré que 5mn, ça ne compte pas” “Je ne pensais pas que c’était un viol vu que je ne l’ai pas forcé”
Le réveil des consciences et une enquête efficace
L’exposition médiatique a donné voix aux nombreuses victimes et leur a permis de se sentir légitimées. Au-delà des victimes, de nombreuses personnes, y compris des hommes, ont affirmé leur soutien à Gisèle Pélicot, désormais figure iconique de la résistance feministe.
Gisele Pelicot a declaré: « C »est un procès pour l’ensemble des femmes, puisque toutes les femmes sont susceptibles d’être victimes de viol » “Je ne veux plus qu’elles aient honte”
Le formidable travail de la police a lui aussi permis de mettre en lumière cette affaire et de démontrer que lorsqu’une enquête est bien réalisée elle aboutit à un procès efficace.
Une justice à réinventer
Malgré des avancées législatives, la justice française reste en deçà des attentes des victimes de violences sexuelles. Trop souvent, les procès deviennent des lieux de mise en accusation des plaignantes plutôt que des espaces de responsabilisation des accusés. Peut-on espérer une justice réparatrice lorsque l’intime est disséqué sans égards pour la douleur des victimes ?
L’urgence d’une transformation (révolution?)
Le viol de Gisèle Pelicot et son traitement judiciaire rappellent l’impératif d’une transformation culturelle et institutionnelle.
Car chaque affaire de ce type souligne une vérité insupportable : au-delà de l’agresseur, c’est aussi une société qui détourne le regard, une justice qui tergiverse et un collectif qui ne protège pas suffisamment. Tant que ces réalités subsistent, nous resterons collectivement complices du silence des victimes.
Et si le procès intenté contre les auteurs des viols sous soumission chimique de Gisèle Pelicot devenait le point de départ d’une réforme parlementaire pour faire évoluer la loi sur le viol et redéfinir la notion de consentement ? Pour qu’il y ait un après et que ce procès marque un virage dans la conscience collective.
20 décembre 2024 | Place Publique