Place publique a posé comme acte fondateur de répondre à l’urgence démocratique en vue de  réussir les transitions écologique et sociale, la transformation de l’Europe et le combat féministe.

Nous croyons en effet qu’il n’y a pas de transformation en profondeur sans associer toutes les ressources d’intelligence, d’expertise, de sens et d’engagement aux processus de décision et aux modalités d’action.

C’est l’enjeu d’une démocratie réelle.

Il s’agit ici de proposer à la réflexion et au débat la clarification sur ses enjeux, ses contours, ses exigences, son ambition.

C’est l’objet de ce préambule pour une démocratie réelle.

L’alternative qu’il est proposé de construire

La crise démocratique est profonde.

Elle grandit au rythme des injustices sociales, de la violence néolibérale, de l’impuissance du politique, des promesses non tenues, de l’entre soi des gouvernants et du fossé qui n’a cessé de se creuser entre les représentants et les représentés.

D’une société républicaine faite d’hommes raisonnables et fraternels, nous naviguons vers une société juxtaposant des intérêts particuliers agrégés, qui forment des féodalités.

Cette crise se traduit notamment par l’incapacité actuelle de parvenir à des compromis démocratiques permettant de traiter l’urgence climatique et les conséquences sociales qu’elle induit. La séquence engagée par la Convention citoyenne sur le climat et poursuivie par la loi “Climat et résilience” censée traduire ses résultats est à ce titre édifiante : demi-mesures largement insuffisantes, reculs liés au lobbying et à la défense d’intérêts économiques, etc. Elle prouve en particulier l’inadaptation des institutions et structures de régulation, toutes patiemment construites autour de logiques de production, à prendre en compte un “nouveau monde” sans abondance où transitions écologique et sociale sont intimement liées. Elle montre que la construction démocratique et la mise en place d’une nouvelle colonne vertébrale politique sont au cœur d’une réorganisation des rapports sociaux, notamment autour de nouvelles zones de clivage et de compromis intégrant un monde sans abondance.

Face à cette crise systémique qui interroge les institutions et plus encore les pratiques, notre mouvement se bat pour une alternative à la « vieille politique », de nature oligarchique et technocratique mais aussi aux tentations dangereuses qui se sont fait jour par réaction : le populisme et ce que d’aucuns appellent le “citoyennisme ».

Face à la “démocratie providentielle” jupitérienne, descendante, anesthésiante et pour le moins infantilisante, PP oppose une « démocratie-construction » réelle, effective et continue.

Face au pouvoir de « la technique », nous croyons à l’intelligence collective habitée par des valeurs.

Face au populisme, au « peuple en un », à la démagogie de l’instant et de l’instinct et au simplisme du bas contre le haut, nous opposons le parler vrai et la confrontation au réel et à la complexité.

Face au « citoyennisme », porté par une approche idéaliste du citoyen, par une idéologie de la non idéologie et finalement par l’individualisme politique, nous affirmons l’idéal démocratique de la commune humanité et l’exigence de la pluralité de sens et d’intelligence dans le débat et  la construction du commun.

En proposant une alternative face à ces maladies infantiles de la démocratie, Place publique  veut jeter les bases d’une rénovation  radicale, singulière et exigeante de la démocratie.

La démocratie se veut être vivante, éthique, transformatrice.

Ce que nous attendons d’une démocratie vivante

— Elle doit être habitée par un état d’esprit.

Celui qui interroge en permanence le comment de la décision et de l’action, ainsi que leur adéquation par rapport aux problèmes posés et traités.

Comment associer les citoyens et toutes les ressources de sens, notamment l’ensemble des parties prenantes pour un problème donné, au processus de décision ?  Comment co-produire de l’intérêt général dans une société marquée par la montée en puissance individualiste ? Comment construire du commun face à la multitude des avis et des envies, et parfois à la violence de leur expression ? Comment partager une parole du temps long face au discours de l’immédiat ? Comment susciter, encourager, accompagner le pouvoir d’agir des citoyens ?

— Elle doit être continue.

Non pas un débat en continu, avec des palabres sans fin ni débouchés décisionnels, mais une démocratie de projets dont les décisions sont nourries par des séquences décisives, porteuses de sens, de débat, de consultation, de concertation,  de co-construction. A chaque fois qu’une question à enjeux ou qu’un projet structurant est mis en agenda, alors s’ouvre une séquence de pensée, de débat et de co-construction. Cette séquence a un début et une fin. Elle doit être organisée et décisive. Ainsi est affirmé  un continuum démocratique entre le moment  délibératif et le moment décisionnel. Il s’agit ici de dépasser la démocratie de participation sans vote et la démocratie directe sans participation édifiante.

— Elle doit être transformatrice.

Certains mouvements politiques ou citoyens expriment une culture de la résistance et de l’indignation. D’autres mettent en avant une culture de l’utopie et du rêve. D’autres encore préfèrent éprouver la culture de l’engagement et de la régulation. De même que Place publique a été le premier parti politique à militer pour la fertilisation croisée des urgences démocratique, sociale et écologique, de même Place publique peut avoir l’ambition d’être le Parti des trois cultures : celle de la résistance, celle de l’utopie et celle de l’engagement. Cette ambition s’inscrit dans une vraie et authentique volonté de métamorphose de notre société  et dans le « courage de comprendre le réel pour aller à l’idéal » (Jaurès).

Ces attendus d’une démocratie vivante, Place publique veut en premier lieu les mettre en œuvre au sein de sa propre organisation.

Les valeurs éthiques que nous partageons

Ce sont d’abord les valeurs de notre Charte éthique et en particulier les valeurs d’écoute, de sincérité et de coopération.

Ce sont ensuite les principes d’une gouvernance que nous voulons de plain pied et bienveillante. La décision par le consentement, c’est-à-dire par les arguments, doit pouvoir infuser les modes de décision.

Nous faisons appel, par ailleurs, à des convictions plutôt qu’à des certitudes. Les  premières requièrent l’humilité du dialogue, la capacité et la possibilité de se laisser transformer par l’Autre les secondes prônent  la suffisance du statu quo. Nous revendiquons la radicalité. Pas l’extrémisme.

Enfin, l’agir public exige plus que jamais des manifestations symboliques et visibles d’un autre rapport aux responsabilités et au pouvoir : modestie, humilité, simplicité, sobriété.

Comme dans toutes les organisations, Place publique peut être la proie  de logiques de domination et de passions tristes.

C’est la raison  pour laquelle notre mouvement  s’est doté d’un Conseil éthique. Celui-ci est chargé notamment d’évaluer la congruence politique entre le dire et le faire. Il est aussi l’instance indépendante chargée de discerner et de veiller à l’éthique de l’engagement.

Ce que nous exigeons d’une démocratie transformatrice

C’est de considérer l’espace public comme un espace de transformation et de l’ambitionner comme un lieu d’excellence humaine. L’humain et un monde meilleur sont au cœur de la révolution démocratique.

C’est  d’avoir comme horizon, non pas l’individu-consommateur-électeur mais le citoyen partie prenante des transformations essentielles et du bien commun. L’horizon du consumérisme individualiste produit des boulevards d’a-responsabilité. L’horizon de la démocratie citoyenne invite à des chemins d’espérance.

C’est de considérer le chemin plus que le résultat, le processus plus que l’addition des avis. C’est là que se forge la « sensibilité civique » comme antidote à l’individualisme prégnant, au corporatisme et au communautarisme.

C’est de viser non pas l’opinion changeante au gré du vent, mais le peuple éclairé.

C’est de penser enfin  partage du pouvoir avant de penser conquête.

L’éducation populaire sera donc la boussole de toute séquence démocratique, Elle consiste en des démarches collectives, qui nous amènent à prendre du recul sur les situations insatisfaisantes voire insupportables que nous rencontrons, à les analyser, à travailler ensemble les contradictions qui sont en jeu, à définir les modes d’action pour transformer ces situations.

Ce que nous ambitionnons dans toute séquence démocratique

— Elle doit être interactive

La qualité démocratique, ce n’est pas d’additionner des avis arrêtés, mais de cheminer ensemble dans le dialogue et dans la réciprocité des échanges  La haute performance démocratique ne se trouve pas chez celui qui crie plus fort mais dans la fertilisation féconde des points de vue différents.

— Elle doit être « lente »

Le propre de l’espace public et de la vie, c’est la complexité. Toute séquence doit donc se donner le temps et la méthode nécessaires pour aller au cœur du sujet. A la dictature de l’instant et des fake news, la démocratie oppose l’ambition  et le courage de la maturation et de l’approfondissement .

— Elle doit être édifiante

Aucune séquence démocratique ne pourra faire l’économie de ce cheminement d’une démocratie de co-construction. C’est elle qui  favorise la transitivité entre le JE singulier et le NOUS universel et l’émancipation du JE par le NOUS. Elle doit être en lien direct et explicite avec une décision finale qui doit être clairement expliquée.

Il y a dans toute décision une part de dépassement de soi et de « transcendance ».

Ce que la révolution démocratique change radicalement

C’est d’abord notre rapport à nous même, dès lors que nous savons que les qualités requises pour partager le pouvoir sont diamétralement opposées à celles requises pour le conquérir.

C’est notre rapport au pouvoir : pour passer du « pouvoir sur » au « pouvoir de », il nous faut grandir dans un rapport humble au pouvoir. Passer de l’ego-compétition à l’alter-coopération.

C’est notre rapport à la décision : en « vieille politique », la décision est très souvent de nature stratégique, clanique, politicienne, mettant en scène des rapports de domination et de force. Au contraire, la décision, lorsqu’elle est mûrie par un cheminement partagé, s’inscrit dans l’équilibre de l’éthique de conviction et l’éthique de responsabilité.

Parler vrai et décider ensemble pour « agir juste » relèvent d’une vertu cardinale en politique : le courage.

C’est enfin notre rapport à la politique : loin des logiques de séduction, de posture et de caricature  des partis politiques traditionnels, Place publique assumera, quoi qu’il en coûte, le courage de la démocratie réelle, tant dans le portage souvent inédit des causes que dans la façon de les porter.

Une charte de gouvernance partagée

Au cœur de la  gouvernance de notre mouvement, il y a les valeurs, les convictions, les principes et les pratiques contenus dans le préambule pour une démocratie réelle.

Il s’agit de pratiquer en interne ce que nous prônons à l’externe.

A Place publique, aucun adhérent, aucun responsable, aucune instance ne pourra revendiquer le « pouvoir sur ». Mais nous n’opposons pas démocratie de  représentation et démocratie de participation, dialogue et prise de décision, horizontalité et verticalité, leadership de service et engagement collectif, incarnation et identité collective.

C’est le sens profond du préambule pour une démocratie réelle, exigeante, radicalement différente des autres voies.

Ce qui fonde la « démocratie-construction »s’inspire en réalité de cette conviction  d’Hannah Arendt : « le pouvoir naît quand les hommes travaillent ensemble ; il disparaît lorsqu’ils se dispersent« .

Le pouvoir que nous organisons est un « pouvoir de service » à travers cinq formes complémentaires et interdépendantes.

Ils sont la base et la richesse de notre écosystème démocratique et de notre Charte de gouvernance interne :

  • le pouvoir d’agir
  • le pouvoir de décider
  • le pouvoir d’évaluer
  • le pouvoir d’impulser
  • le pouvoir d’organiser

C‘est dans cet état d’esprit que vous sera proposée la séquence de construction de la Charte. 

Cette séquence comportera 5 temps dont le phasage sera précisé :

  • le temps de l’appropriation personnelle
  • le temps du débat collectif
  • le temps de la co-construction
  • le temps de la restitution et de la consultation sur les questions à enjeux
  • le temps de la décision par les adhérents.

A bientôt pour une démarche partagée.

L’équipe-projet

18 mars 2021 | Jo Spiegel