Manque d’effectifs, surpopulation, absence de réinsertion… la prison française est à bout de souffle. Les failles du système carcéral, ses limites et l’inefficacité des politiques menées depuis plusieurs années sont connues. Il est temps que la gauche se réapproprie la thématique de la sécurité, pour empêcher son appropriation exclusive par la droite et l’extrême droite uniquement sous le prisme de la répression. Un autre modèle de société passe aussi par la définition, ensemble, de positions communes sur ce sujet. Les peines alternatives doivent y occuper une place clé – même si elles ne sont pas la panacée.

Les peines alternatives, ou de substitutions, sont l’ensemble des mesures pouvant remplacer un emprisonnement : De Travaux d’Intérêts Général (TIG) au bracelet électronique, elles recouvrent de nombreuses différentes mesures. Aujourd’hui, elles s’élèvent à seulement 12% du total des peines. En coopération avec des associations, comme celles des Fermes d’Espoir, une dé-carcéralisation de la France est possible: Il faut casser la dynamique de l’emprisonnement automatique, de l’augmentation des peines et de la surpopulation de prisons, alors que la densité carcérale était de 115,2% en 2021. 

Les travaux d’intérêt général représentent une solution alternative, plus efficace sur le long terme et moins coûteuse. Les Fermes d’Espoir est la structure ayant réalisé le plus grand nombre de réinsertion de travailleurs d’intérêt général en France. Elle prouve que ces projets collectifs peuvent rassembler citoyens et professionnels dans des territoires délaissés, autour d’éducation populaire et citoyenne. Ecologie et social s’y concrétisent, comme dans des ateliers de permaculture et d’aide à l’insertion. Les TIG aident à préparer les réinsertions sociales et professionnelles de façon graduelle. Ils permettent aux individus de conserver un lien avec la société, tout en encourageant l’engagement et la participation à la vie de cité, notamment dans des associations. Cela permet également d’éviter que des individus condamnés pour de petits délits ne tombent dans le grand banditisme ou la radicalisation. La prison est en effet le premier lieu de radicalisation.

Pour éviter la surpopulation dans les prisons, la solution n’est pas de construire davantage de places mais plutôt de revoir les peines. Supprimer le principe de peine minimale pour les petits délits devrait être un premier pas. En cas de récidives de petits délits notamment, il est essentiel de développer massivement les TIG et les peines alternatives. Enfin, l’accompagnement des individus à leur sortie de prison doit être renforcé. Le problème majeur demeure celui d’une surpopulation chronique à laquelle il faut remédier, alors qu’elle ne fait aucunement diminuer la délinquance. 

Alors que le travail et les activités proposées en prison baissent, des solutions existent. L’organisation de débats, des formations pour une réinsertion, des groupes thématiques doivent être développés. Dans la continuité du groupe de travail sur les prisons co-créé par Foucault, des discussions sur la prison et la police, associant les acteurs sociaux sont aujourd’hui essentielles. Enfin, les agents de la pénitentiaire, surveillants, conseillers, lieutenants… sont invisibilisés. Leur condition est trop souvent oubliée des débats sur la prison. Le renforcement des conditions matérielles de travail des personnels pénitentiaires améliorera aussi la situation des « usagers » de la prison. 

Nous sommes pour une justice qui, par une mise à l’épreuve des personnes condamnées, vise leur réhabilitation et la réparation des victimes. Nous sommes contre la politique du chiffre, mais pour une politique du nombre : plus de moyens, plus d’agents, plus de juges, plus de greffiers. Plus de moyens pour celles et ceux qui s’engagent pour la réinsertion des personnes détenues, et avant tout les éducatrices spécialisées et les travailleurs sociaux.

Les prisons françaises, et notre société, en ont besoin.

22 juillet 2022 | Place publique Jeunes