En ce 18 décembre, journée internationale des migrations, Place publique alerte sur les atteintes aux droits fondamentaux des personnes migrantes partout en Europe, qui prennent leur source dans la négation même de nos principes constitutifs et des droits humains garantis sur l’espace européen.
Il y a 25 ans, en octobre 1999, les chefs d’État ou de gouvernement des États membres de l’Union européenne (UE) étaient réunis à Tampere en Finlande pour poser les jalons de l’espace de liberté, de sécurité et de justice. Ce nouvel espace, consacré par le traité d’Amsterdam, constituait un projet ambitieux visant à offrir le droit de circuler librement dans toute l’Union, dans des conditions de sécurité et de justice accessibles à tous.
Parmi les objectifs affirmés à Tampere figurait celui de créer « une UE ouverte et sûre, pleinement attachée au respect des obligations de la Convention de Genève sur les réfugiés et des autres instruments pertinents en matière de droits de l’homme, et capable de répondre aux besoins humanitaires sur la base de la solidarité ».
Il aura suffi d’une génération pour enterrer ces ambitions.
Si des événements internes et externes – menace terroriste, instabilité financière, basculements géopolitiques, montée des populismes, crise migratoire, Brexit – ont contribué à entamer ce projet, c’est surtout la contamination du paysage politique par les discours et politiques d’extrême droite qui l’ont anéanti.
Deux objets ont servi de fil conducteur à cette entreprise de destruction démocratique. Le migrant, accusé d’être la source principale des maux de la société européenne et devenant “l’indésirable”. Les droits humains, présentés comme autant de contraintes limitant la souveraineté des États en matière migratoire.
Ce discours a infusé lentement, des rives de l’extrême droite aux formations politiques plus centrales récusant les protections offertes par la Convention européenne des droits de l’Homme, et la Convention de Genève sur le statut des réfugiés. À ce mouvement s’est ajoutée au début des années 2000, sous l’impulsion du Royaume-Uni, l’idée d’externaliser les politiques migratoires.
Telle une prophétie autoréalisatrice, les discours sont devenus réalité. Les signes avant-coureurs étaient déjà visibles : violences exercées aux frontières des États par les États, négociations assumées entre États européens et pays tiers de la rive sud de la Méditerranée, discussions sur l’instrumentalisation des migrations aux frontières européennes.
La bascule est intervenue lorsque le Royaume-Uni a conclu un accord avec le Rwanda pour le renvoi des demandeurs d’asile. L’Italie a suivi avec un accord conclu avec l’Albanie. Récemment, plusieurs États ont remis en cause le droit d’asile de l’UE, tandis que la Commission européenne a franchi le pas en reconnaissant que les États membres pouvaient adopter des mesures nationales susceptibles de porter atteinte aux droits fondamentaux, tels que le droit d’asile, face à la menace hybride menée par la Russie aux frontières extérieures. Ce mouvement n’a pas épargné la France comme en témoignent la loi de janvier 2024, la remise en cause de l’AME et les déclarations récentes sur la suspension de l’asile pour les syriens.
En l’espace de quelques mois, la digue a cédé.
Ce qui se déroule sous nos yeux est plus qu’une alerte : il s’agit d’une atteinte aux droits fondamentaux des personnes migrantes, d’une atteinte aux fondements mêmes du projet européen et des démocraties européennes.
En cette journée internationale des migrations, à Place publique, nous réaffirmons :
- Notre attachement au respect intégral des droits humains, socle commun aux démocraties européennes.
- Notre conviction que les migrations constituent un phénomène ancestral qui, s’il suscite interrogations et craintes, ne doit pas être enfermé dans une approche sécuritaire ayant pour objet et pour effet de porter atteinte aux droits et à la dignité des personnes en situation de migration.
- Notre volonté de continuer de défendre les ambitions portées par les dirigeants européens lors du sommet de Tampere ;
- Notre certitude que le maintien d’un espace européen de liberté dépend de l’établissement d’une politique commune d’asile et d’immigration fondée sur la solidarité, la responsabilité, la confiance mutuelle et pleinement respectueuse des instruments européens et internationaux de protection des droits humains.
- L’impératif de construire à l’échelle locale des politiques publiques d’accueil et d’intégration des personnes migrantes