Il faut imposer l’égalité homme-femme à tous les niveaux du budget de l’État

Et si on s’assurait que chaque euro investi par l’État soit également réparti entre les hommes et les femmes ? Ce n’est pas le cas aujourd’hui. C’est pourquoi Place publique défend la mise en place d’une budgétisation de l’État « sensible au genre ». Explications.

Garantir l’égalité entre les femmes et les hommes n’est pas seulement une question de principes. Cela exige des moyens. Levier majeur de la transformation des politiques publiques, le budget de l’Etat en est un. C’est pourquoi nous défendons une budgétisation de l’Etat intégrant l’égalité ou “budget sensible au genre” (BSG).

Qu’est-ce qu’un budget sensible au genre ?
Un budget sensible au genre vise à intégrer une perspective de genre dans la conception, l’exécution et l’évaluation des politiques publiques et des financements. L’idée est simple : veiller à ce que les décisions financières de l’État répondent aux besoins spécifiques des femmes et des hommes, en corrigeant les inégalités existantes.

Cet outil, déjà adopté par plusieurs dizaines pays et expérimenté dans certaines villes françaises, permet d’orienter les fonds publics là où ils peuvent avoir un réel impact sur l’égalité. Il ne s’agit pas de créer un budget séparé pour les femmes, mais de ré-allouer les ressources pour que chaque euro dépensé contribue à réduire les inégalités.

Pourquoi le budget public doit-il intégrer le genre ?
Le budget de l’État a un pouvoir immense : il reflète et façonne les priorités de la société. Pourtant, en l’absence d’une analyse de genre, ce levier peut non seulement ignorer les inégalités, mais aussi les perpétuer.

Prenons l’exemple des violences sexistes et sexuelles : un enjeu majeur, mais encore sous-financé. En 2023, seulement 184,4 millions d’euros ont été alloués à la lutte contre toutes les violences faites aux femmes, alors que la Fondation des Femmes estime qu’un investissement de 3 à 5 milliards d’euros serait nécessaire pour une prise en charge adéquate des victimes.

Un budget sensible au genre irait au-delà des simples crédits alloués à la lutte contre les violences. Il garantirait que, dans chaque secteur – santé, logement, transport, éducation, sécurité –, les besoins spécifiques des femmes soient intégrés. Par exemple :

  • Assurer que les investissements dans les infrastructures prennent en compte la sécurité des femmes (éclairage des rues, accès à des transports publics sûrs).

  • Adapter les politiques de santé pour répondre aux besoins spécifiques des femmes, y compris en matière de santé reproductive ou de prise en charge psychologique.

  • Soutenir l’emploi et la formation des femmes dans des secteurs souvent moins bien financés, comme le travail social ou l’éducation.

Des exemples concrets de budgets sensibles au genre

Plusieurs pays et villes ont déjà démontré l’efficacité de cette approche :

  • L’Espagne, avec des outils d’analyse budgétaire genrée, a réalloué des fonds pour favoriser l’insertion des femmes sur le marché du travail (notamment en féminisant les conseils d’administration) et améliorer leur accès à des services publics essentiels.

  • Paris et Nantes, qui font partie des villes pionnières en France, ont intégré une perspective genrée dans leurs politiques locales, en soutenant des projets d’intérêt général qui bénéficient particulièrement aux femmes. La ville de Paris a ainsi progressivement intégré l’éga-conditionnalité des subventions quelle donne.

Un appel à l’action : adopter un budget public équitable
Pour que cette vision devienne une réalité en France, il est essentiel que l’État adopte une approche budgétaire sensible au genre à tous les niveaux. Cela implique :

  • D’analyser l’impact des dépenses publiques : identifier comment chaque poste budgétaire influence les femmes et les hommes différemment.

  • De réorienter les ressources vers des actions ciblées : soutenir des initiatives qui répondent aux besoins spécifiques des femmes, notamment dans les domaines où elles sont particulièrement vulnérables.

  • Former les décideurs publics : s’assurer que les responsables politiques et administratifs maîtrisent les outils nécessaires pour mettre en œuvre un budget sensible au genre.

Un budget sensible au genre n’est pas une simple réforme technique : c’est une démarche politique ambitieuse, qui peut transformer la manière dont nous concevons la justice sociale et l’égalité.

L’égalité entre les sexes passe par des moyens financiers à la hauteur des ambitions. En adoptant un budget public sensible au genre, nous pourrions non seulement mieux répondre aux défis actuels – comme la lutte contre les violences sexistes et sexuelles –, mais aussi construire une société plus inclusive, où chaque citoyen.ne trouve sa place.

Repenser les priorités budgétaires, c’est reconnaître que l’égalité ne peut être atteinte sans investissements durables et stratégiques. C’est garantir que chaque femme, chaque homme, bénéficie d’un accès équitable aux ressources et aux opportunités.

Place publique s’engage pour un budget public qui œuvre réellement en faveur de l’égalité.

10 novembre 2024 | Place Publique