Place publique exprime sa vive inquiétude face à la situation en Nouvelle-Calédonie-Kanaky, sa solidarité avec les populations civiles plongées dans l’inquiétude, et son soutien aux familles des quatres victimes tuées ces derniers jours, aux centaines de blessés, et aux forces de l’ordre fortement mobilisées. Nous condamnons également les violences en cours.
Le texte qui a été adopté à l’Assemblée nationale, visant à modifier la Constitution pour réformer le corps électoral habilité à voter lors des élections provinciales, menace la paix civile calédonienne. L’Etat français sort ici de son rôle d’acteur neutre et d’arbitre entre les camps loyalistes et indépendantistes en en choisissant un. En prenant une telle position, le gouvernement failli à sa mission et rompt dangereusement avec sa tradition d’impartialité dans le dossier calédonien.
En passant en force unilatéralement, contre l’avis de la représentation calédonienne (Nous rappelons que le Congrès, parlement local de Nouvelle-Calédonie-Kanaky, a adopté une résolution demandant le retrait du texte déposé par l’Etat), c’est à plus de 35 ans de paix civile que le gouvernement met fin. Une paix qui rappelons-le, fut trouvée avec les accords de Nouméa de 1988 et de Matignon en 1998, fruit de consensus locaux, suite à la guerre civile et aux “Événements de la grotte d’Ouvéa” qui avaient fait 21 morts.
Place publique appelle à la suspension de la réforme constitutionnelle, et au retour à l’esprit des accords de Matignon et de l’accord de Nouméa, à l’esprit de Michel Rocard et de Lionel Jospin, qui avaient prévalus jusque-là.
Après le troisième référendum d’autodétermination prévu par l’accord de Nouméa et dont la légitimité est par ailleurs contestée, le destin commun doit pouvoir être écrit par les calédoniennes et les calédoniens dans leur ensemble, et sans interférence de l’Etat. C’est le consensus local qui doit ici être cherché pour retrouver la paix, après les violentes émeutes ayant eu lieu ces derniers jours sur le caillou.
L’impératif démocratique doit être pris en compte, sans nier le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Si les listes électorales pour les élections provinciales doivent évoluer, afin notamment de faire entrer les natifs, cela ne peut se faire dans n’importe quelles conditions, et surtout sans prendre en considération la parole du peuple premier. En allant contre l’esprit des accords, l’Etat appose un sceau aux relents colonialistes sur la Nouvelle-Calédonie-Kanaky.
Pour Place publique, une mission de dialogue doit impérativement être mise en place pour trouver un consensus local, comme cela a été le cas par le passé, afin que l’archipel retrouve la paix, sorte de la crise, et puisse poursuivre sa construction.
Pour cela, le gouvernement doit également sortir de la logique du rapport de force, et prendre des mesures urgentes afin de répondre aux urgences alimentaires et sanitaires qui se dessinent.
Respect et humilité, mantra régulièrement rappelé par les kanaks, c’est ce dont aurait dû faire preuve le gouvernement, en retirant le texte comme cela a été demandé par les institutions locales.
16 mai 2024 | Place Publique