Par Aurore Lalucq, eurodéputée et co-présidente de Place publique.
Cette année encore, j’ai fait le déplacement à Cannes pour rencontrer les acteurs économiques du secteur culturel européen : producteurs (Dariusz Jablonski, EPC ; Marc Missonnier, UPC ; Xavier Rigault, Bloc ; Emmanuelle Mauger, SPI ; Juliette PRISSARD, Eurocinéma), chaînes de télévision/diffuseurs (Julie Burguburu, TF1, Vincent Girerd, Canal+), distributeurs/exploitants (Brigitte Maccioni, UGC) et organismes publics (Olivier HENRARD, CNC)…
Le principal enseignement de cette mission est la volonté de l’ensemble des acteurs du cinéma européen d’agir pour protéger le modèle européen de création qui fait l’objet d’une attaque en règle de la part des acteurs américains, tels que Netflix, Amazon ou Disney. En ligne de mire, la directive SMA qui impose aux plateformes de participer au financement de la création audiovisuelle européenne. Une obligation qui déplaît d’autant plus aux plateformes qu’à ce jour, seule l’Union européenne a réussi à faire plier les géants du divertissement pour qu’ils investissent sur leur territoire.
Pour préserver cette exception culturelle, il faut donc préserver ce modèle européen de financement afin d’assurer une création diverse et plurielle. Cela signifie aussi protéger le modèle de l’exclusivité territoriale, qui permet d’assurer un accès pérenne aux financements privés en assurant les investisseurs d’une exclusivité d’exploitation. Protéger ces acquis passe donc par le maintien en l’état d’une directive SMA qui rassemble et satisfait une très large majorité des acteurs européens du secteur.
Protéger notre modèle signifie enfin défendre la propriété intellectuelle et les créateurs face aux usages non rétribués de leurs œuvres pour entraîner l’IA. Une solution pourrait être d’exiger des entreprises d’IA générative qu’elles prouvent qu’elles n’utilisent pas les œuvres audiovisuelles (la même logique s’appliquant que pour la musique) pour entraîner leurs outils. Une telle évolution permettrait de faire reposer la charge de la preuve sur les entreprises d’IA et non sur les créateurs comme c’est le cas aujourd’hui.
On pense trop souvent que le cinéma est un secteur ultra subventionné. Or c’est faux. Non seulement ce modèle s’autofinance très largement, mais en plus il garantit l’indépendance des créateurs, la diversité des récits, l’équilibre des écosystèmes nationaux. N’oublions pas non plus que l’Europe est l’un des leaders dans l’industrie du jeu vidéo et de l’animation. Préserver ce modèle, lui permettre de continuer à démontrer son excellence et sa diversité, est donc à la fois un enjeu économique et démocratique, mais aussi d’autonomie stratégique.
À nous de bâtir l’Europe de la culture.

- « L’audiovisuel est une industrie hautement stratégique, et cela, les Américains l’ont bien compris. […] Le secteur audiovisuel européen démontre son importance, non seulement en termes économiques – avec près de 700 000 emplois – mais aussi de souveraineté. […] Le secteur audiovisuel et cinématographique […] a été directement ciblé par le président Trump, en annonçant vouloir taxer à 100 % les films produits à l’étranger. […] L’Europe est l’un des leaders dans l’industrie du jeu vidéo et de l’animation. […] Il faut […] préserver notre modèle européen de financement afin d’assurer une création diverse et plurielle. […] Non seulement, ce modèle s’autofinance très largement, mais en plus il garantit l’indépendance des créateurs, la diversité des récits, l’équilibre des écosystèmes nationaux. […] Protéger ces acquis passe donc par le maintien en l’état d’une directive SMA. […] L’Europe doit faire preuve de courage et d’unité pour défendre un secteur aussi essentiel que existentiel. »
Une tribune dans Libération co-signée par Aurore Lalucq, eurodéputée et co-présidente de Place publique.
Avec Emma Rafowicz, eurodéputée et vice-présidente de la commission culture du Parlement Européen